Je ne sais pas si c’est parce que je vieilli et que je me répète mais il me semble que je passe mon temps à dire ça : « Tout est en retard cette année ». Cette citation est probablement celle que j’ai dite le plus souvent ce printemps. Mais en réalité, a-t-on vraiment eu un printemps? Il me semble qu’on soit passé directement de l’hiver à l’été. À l’ouverture de la pêche aux salmonidés, le lac Memphrémagog n’était que partiellement dégagé de glace et un mois plus tard, en pleine montaison d’alose, nous vivons une canicule que l’on voit habituellement beaucoup plus tard en saison estivale. Est-ce que ce réchauffement du temps ramènera les choses à ce qu’elles doivent être? Je l’ignore. Ce que je sais par contre c’est que notre printemps tardif a eu une conséquence directe sur le niveau d’activité du poisson et sa localisation dans le plan d’eau. En fait, je ne me souviens pas avoir vécu avec une date d’ouverture aussi tardive (27 avril) et un Lac Memphrémagog qui n’est pas complètement libre de ses glaces. Là où on avait l’habitude de voir des truites grises en quantité, c’était le désert. Les truites grises étaient concentrées dans certains secteurs bien précis comme si elles étaient encore sur un « beat » d’hiver et de plus, l’éperlan n’avait pas frayé dans les secteurs où je pêchais.

La veille de l’ouverture de la pêche au quai de Georgeville, lac Memphrémagog.

Pour ce qui est du réservoir Kiamika (là où je guide habituellement à partir du 1er mai), ce fût un peu à l’image des autres plans d’eau du Québec, c’est aussi très tardivement qu’il s’est libéré de ses glaces. Ce n’est qu’en date du 10 mai qu’il a « calé » : du jamais vu. Pour moi et mes clients, ce n’était pas une très bonne nouvelle, de même que pour la pourvoirie. Pour certains, ils manquaient leur « trip » de pêche et pour moi, c’était déjà 10 jours de guidages envolés. Je me suis donc retrouvé à prendre les bouchées doubles par la suite pour ainsi tenter de reprendre le temps perdu.

Pour être honnête, ce fût de loin le début de saison le plus difficile que j’ai connu au Kiamika depuis que j’y pêche. Pourtant reconnu comme un excellent plan d’eau de début de saison, cette année, ce n’était pas comme d’habitude. Quand on côtoie les meilleurs pêcheurs de ouananiche et que le soir venu, un seul bateau sur six a réussi à prendre une ouananiche, ça donne une idée du défi que représentait le Kiamika en début de saison. J’ose à peine imaginer le pauvre diable qui en est à ses premières armes à la ouananiche! À ce dernier je lui dirai alors : « Fais-toi en pas avec ça, même les meilleurs se plantaient solide» loll

Quand on se compare on se console qu’y dise…

 

Maintenant, pourquoi? Pourquoi jours après jours était-ce si difficile de faire des pêches comme nous avions l’habitude d’en faire? Oui c’est vrai, l’eau était froide. Mais l’eau est froide à chaque saison et nous prenons quand même des ouananiches. Par contre,  ce plan d’eau à l’habitude de se réchauffer très rapidement à cause de ses grandes étendues peu profondes mais cette année, ce fût tout le contraire. Jour après jour,  malgré les journées ensoleillées, il ne voulait pas réchauffer. L’absence de pluie (qui aurait alimenté le réservoir d’une eau plus chaude) ainsi que les vents presque toujours du nord et les nuits consécutives sous le point de congélation ont contribué à garder le réservoir à une température d’eau très froide…trop froide, pendant trop longtemps.

Je soupçonne donc la température de l’eau, comme étant un des facteurs principaux qui  contribuais à compliquer la vie des pêcheurs. En demeurant très froide pendant une période prolongée, ça eu comme effet de garder le niveau d’activité du poisson à un niveau très bas pour ne pas dire inactif. Plus l’eau est froide, moins le poisson a besoin de se nourrir étant donné que son métabolisme est au ralenti. Rajoutons à cela les crêtes de haute pression (beau ciel bleu sans nuage avec vent du nord) qui étaient constamment présentent et on se retrouve devant des poissons complètement amorphes. En tout cas, c’est ce que m’ont dit les premiers combats des ouananiches. Elles avaient tendances à se laisser ramener et ce n’était qu’à la vue du bateau qu’elles gigotaient un peu.

Outre la température de l’eau qui a pris une éternité à se réchauffer, un deuxième facteur très important est venu compliquer les choses : l’abondance de nourriture. Depuis que je pêche le réservoir Kiamika, jamais je n’avais vu autant d’éperlans. J’ai toujours dit que c’était le lac Memphrémagog qui contenait la plus grande quantité d’éperlans mais cette année, je peux vous assurer qu’au pied cube d’eau, qu’il y avait beaucoup plus d’éperlans au Kiamika qu’au Memphrémagog. J’irais même jusqu’à dire sans trop me tromper qu’il y avait facilement cinq fois plus d’éperlans dans le Kiamika qu’il y en avait les années précédentes. Il y en avait partout! Pour le plan d’eau, c’est une très bonne nouvelle mais pour les pêcheurs, disons que cela nous rend la tâche plus difficile. Notre leurre se retrouve en compétition avec des millions d’éperlans et de plus, les ouananiches se retrouvent éparpillées sur toute la grandeur du plan d’eau plutôt que concentrées dans des secteurs précis.

Comme la population de ouananiche ne peut rebondir à la même rapidité que celle de l’éperlan, elle se retrouve donc avec une quantité exponentielle de bouffe à volonté. Le résultat : elle devient beaucoup plus difficile à prendre au leurre, ce qui est très normal. Imaginez-vous devant un buffet à volonté jours après jours à même votre salle à manger, est-ce que vous seriez tenté de vous déplacer à l’autre bout de la ville pour aller au resto?

Maintenant, j’ai dit que c’était difficile mais pas impossible. On s’est tous laissé tenter par un p’tit délice sucré après s’être empiffré à s’en faire éclater la pense. C’est juste que pour notre ouananiche avec son métabolisme au ralenti, dans une eau entre 40 et 48 degrés Fahrenheit et une pression atmosphérique dans le tapis, ne semblait plus y avoir beaucoup de place pour le dessert. loll  L’on se devait donc de travailler très fort et mettre beaucoup de temps pour arriver à des résultats. Heureusement, dans la deuxième moitié de mon séjour, après un front chaud laissant plusieurs millimètres de pluie et les nuits plus chaudes, la température de l’eau s’est mise à monter rapidement et nous avons commencé à faire de belles pêches.

Cette année, la plupart de nos captures furent entre 20 et 23 pouces, quelques poissons entre 4 et 5 livres et une de six livres et demi. Cette dernière, si elle avait été capturé plus tard dans l’année auraient été tout un trophée car elle mesurait 29 ¾. Je soupçonne que ce poisson venait tout juste  de sortir de la rivière où il a passé l’hiver après la fraye. Habituellement, une ouananiche de 30  pouces pèse aux alentours de 10 livres.

 

Au niveau des leurres, les streamers-tandems étaient les plus efficaces en eau très froide mais aussitôt l’eau réchauffée dans les 50 degrés Fahrenheits, les Yo-Zuri Pins Minnows 2 ¾ pouces dans le bouillon du moteur fonctionnait souvent mieux que la mouche en période d’activité.

Même les grosses perchaudes s’en donnaient à coeur joie sur nos Yo-Zuri!

Toutefois, même si la deuxième partie de mon séjour m’avait redonné espoir, nous n’avions toujours pas capturés notre fameux trophée de dix livres et plus, un tour de force que je réussi à faire depuis maintenant quelques années. Avec tous les efforts que j’avais mis cette année, je trouvais ça difficile de repartir sans voir une 10 livres dans mon bateau. Mais bon, comme je dis toujours, ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini.

Il y a des occasions où il faut y aller all-in et c’est ce que j’ai fait. J’avais découvert un secteur prometteur avec mon groupe précédent de clients et même si nous n’avions pas capturé de trophée à cet endroit, j’avais vraiment confiance qu’il pouvait y en avoir. Le spot avait tout pour produire un trophée et de plus, il ne recevait aucune pression de pêche. J’avais vraiment le sentiment au fond de moi qu’il fallait que j’y aille. Donc, au lieu de retourner faire un secteur plus populaire, nous sommes allés faire mon fameux spot.

La veille j’avais jasé avec mon chum Jean-Charles et son beau-père puis ils m’avaient laissés un peu perplexe quant une mouche avec laquelle ils avaient eu de succès à leur journée précédente. Ce n’est pas une mouche qu’on a l’habitude d’utiliser mais cette année, il y avait une couleur que notre mouche se devait au moins avoir en partie pour avoir du succès. Cette fameuse mouche arborait pratiquement que cette couleur (non je ne vous dirai pas laquelle gang de curieux!). C’était donc logique de croire qu’elle serait aussi efficace et tant qu’à y aller le tout pour le tout, je me suis dit qu’il fallait bien lui laissé sa chance. J’en étais à ma dernière après-midi de pêche, rendu là, je n’avais plus rien à perdre. Ce fût une excellente idée finalement. Même qu’en revenant au camp peu de temps après, je me sentais mal d’avouer à JC que c’était avec le même modèle de mouche qu’il m’avait parlé que nous avions attrapé notre trophée. Vous comprendrez que je lui ai donné quelques « in » sur mes derniers spots où j’avais eu du succès, ça valait bien ça.

Donc, un gros merci à JC et son beau-père. Un gros merci aussi à mes clients d’avoir gardé  confiance envers leur guide. Pour ce qui est du combat de cette ouananiche trophée, essayer de verbaliser la chose enlèverait le côté unique de ce moment mémorable. Je vous laisse donc avec cette photo qui illustre assez bien la satisfaction qu’avaient mes clients après cette capture. À noter que mes clients ont eu la grande générosité de permettre  à ce gros géniteur de retourner à l’eau. Qui sait, avec un peu de chance elle sera peut-être capturée à nouveau par un autre pêcheur qui aura lui aussi la chance de vivre ce « thrill ».

Un trophée de 29 5/8″, 11 lbs! Une ouananiche que mes clients se souviendront toute leur vie  🙂

Je suis donc reparti du Kiamika avec le sentiment du devoir accompli mais surtout, avec l’esprit en paix et une meilleure connaissance de mon plan d’eau. Prochain compte-rendu: Aloses au barrage Pie-IX!

 

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